Au bord de la terrasse

Derrière la première expérience de travail en Allemagne, se révèle un concept longtemps éprouvé : celui de fraternité de métier.

JOURNAL DE BORD

Orianne Pieragnolo

9/20/20223 min read

C’était le 8 juin dernier, lorsque nous étions en route vers l’Alsace pour se rendre à Dettwiller, chez Norbert et Simone Stoffel. Nous sommes arrivés dans leur grande maison faite de grès rose et de bois. Nous y avons été accueillis chaleureusement et amicalement. Le matin, installé à l’étage, dans un salon confortable de style alsacien, nous avons interviewé Norbert Stoffel. Nous voulions le rencontrer pour en savoir plus sur son rôle en tant que président de l’Association Européenne des tailleurs de pierres et Sculpteurs (EASMS). Après deux riches heures de discussions, un concept s’est construit. L’idée qu’un métier puisse représenter différentes valeurs humaines avec le pouvoir d’unir un groupe par un attachement particulier, l’idée qu’il puisse exister une fraternité de métier. C'est donc imprégné de ce souvenir qu’au mois d'août, nous sommes arrivés dans les alpages bavarois. Notre rencontre avec Martin et Sylvia Wiesenmayer, nos premiers employeurs, nous a donné l’espoir que cette notion puisse être universelle. Un soir, alors que nous profitions du soleil, assis sur le rebord de la terrasse en bois, Martin nous a rejoints, un gros bouquin à la main.

À travers les pages du livre, il nous a montré des chantiers de luxueuses maisons, des marbres précieux et des défis architecturaux en pierres. Ces pages illustraient les réalisations d’une entreprise avec laquelle il collabore régulièrement.En nous présentant ces projets, il nous confie l’histoire de son entreprise, ses hauts et ses bas, ses transformations et ses envies.Le soleil se couchait et nous aurions pu parler encore des heures ainsi. Martin est passionné par son métier. Au travers de son expérience qu’il nous raconte, petit bout par petit bout, c’est un morceau de sa vie, fait de ses sentiments et de ses tripes. Il est un Homme de métier, ses mains ayant travaillé la matière ont aussi formé son esprit. Durant ce moment sur le bord de la terrasse, tout comme dans le salon en bois de Norbert Stoffel, nous avons ressenti cette notion, ou plutôt ce sentiment, de fraternité de métier. Chez les Wiesenmayer, l’on peut trouver des sculptures de Sylvia plantées dans le jardin, comme deux pieds palmés en pierre qui sortent de terre, ou bien des morceaux de gravures, des tests de motifs sablés sur plusieurs épaisseurs, un joyeux bordel fait d’expérimentations de pierre, de bouts de chantier et de vie. L’espace suinte de l’esprit “pierreux”.Lorsque nous nous retrouvons à travailler le soir et dès lors que nous avons quelques questions, Martin et Sylvia sont toujours là pour nous répondre.

Encore mieux, l’on repart souvent les bras chargés de livres à feuilleter ou d’un caillou pour faire une maquette. C’est une chance que nous avons et un repère aussi dans cette région qui nous est étrangère. Martin, bien plus qu’un patron, est devenu un soutien et un référent pour notre étude en Allemagne. Grâce à lui et l'intérêt qu’il porte au futur du métier, il nous a ouvert les portes de ses connaissances en Bavière et des personnes qui pourraient intervenir pour notre étude. C’est ainsi que nous avons pu visiter la carrière de Schwarzach, l’entreprise Die Steinwerk ou bien rencontrer Rudolf Hermann (président de la Innung* de Bavière). Cette fraternité de métier nous a permis de nous sentir unis à une idée, à un esprit dans cette petite ville d'Opfenbach, que nous ne connaissions pas, il y a deux mois. C’est une notion bien plus forte qu’une simple idée. C’est ce que nous ressentons depuis le début que nous montons ce projet et qui, espérons-le, sera l’une de ses conclusions. Que la taille de pierre puisse être encore bien vivante grâce à cette fraternité qui lie et dépasse les difficultés du métier.

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*Innung : Corporation de métier.