BEYOND THE SCENE : UNE AVENTURE DANS L'AVENTURE

Au cœur du tournage, la rencontre avec les différents experts (géologue, paléontologue, archéologue, ornemaniste, carrier…) a transformé le regard de toute l’équipe sur la pierre et sur le pays. L’accueil et la sincérité des Géorgiens, leur savoir-faire et leur justesse dans l’échange ont apporté au film une profondeur inattendue. Leurs gestes et leurs mots, ont permis de révéler comment la pierre nous relie au-delà des frontières. Ces rencontres ont enrichi les données de notre étude de La Route de la Pierre, mais elles ont surtout nourri notre compréhension de ce lien essentiel entre l’humanité et la matière.

Pour Orianne et moi, cette expérience de tournage fut source d’une intense fatigue comme lorsque, apprenti, nous rentrions d’une journée où il fallait tout assimiler. Durant les prises de vues, nous devions répéter les scènes, rester prêt, réfléchir avec le reste de l’équipe aux prochaines actions… et partager des moments de vie joyeux.

Sur le terrain, les échanges étaient constants. Chacun partageait son regard, sa lecture du matériau, et devenait tour à tour maître et élève, dans un dialogue vivant où la curiosité servait de liant. Mais c’est là, dans ces moments intenses , que s’est forgée la cohésion du groupe.

Cette cohésion et ces rencontres, n’auraient sans doute pas eu la même saveur si une partie des acteurs géorgiens n’avait pas été composée de nos amis rencontrés sur la route un an plus tôt. Le tournage a permis de nous retrouver, et de partager à nouveau des moments uniques. Quel honneur d’avoir pu compter sur la participation de Maryam, Torniké (voir l'article : "l'apprentissage de l'essentiel"), Jimmy et Giorgi dans ce projet !

Moment de tournage dans une carrière de calcaire tendre proche de Koutaïssi.

En ce week-end d’octobre 2025, c’est dans le calme des studios de ZED Production, rue des Prairies à Paris, que j’ai retrouvé Orianne et Ombeline. Au programme : relire et retoucher les commentaires du film tourné au mois de mai et juin dernier et commencer les essais de voix off.

Lors du premier visionnage du film, l’émotion nous a aussitôt gagnés. Sur l’écran défilaient les premières images de la version montée, et avec elles, tout un pan de notre aventure reprenait vie. Chaque plan nous ramenait au cœur de cette équipe sillonnant le Caucase à la fin du printemps : les paysages, les visages, les gestes, la fatigue, les rires… tout remontait à la surface. Ce moment de projection m’a fait mesurer, encore davantage, la richesse de ce que nous avions vécu et construit ensemble, et m’a ramené à ce moment précis, juste avant que l’aventure ne commence vraiment.

En mai 2025, l’avion s’apprêtait à décoller de Paris vers la Géorgie, j’étais alors assis entre Florian Launette et Nicos Argillet, respectivement , chef opérateur vidéo et réalisateur. L’un visionnait des extraits de ses derniers films, plongé dans une nature sous-marine peuplée de crocodiles et d’orques ; l’autre était absorbé par le dernier Star Wars. Les outils du tournage dormaient encore dans les soutes, mais déjà le chantier prenait forme : celui d’une équipe en devenir, d’un projet encore brut. En me tournant vers l’autre côté de la rangée pour m’assurer qu’Ombeline et Orianne étaient bien installées, j’ai compris que cette aventure ne ressemblerait à aucune autre.

Avant même que l’objectif ne se tourne vers la pierre et ceux qui la façonnent, nous avons découvert un autre monde : celui du tournage. Nous sommes entrés dans des coulisses régi­es par d’autres règles, d’autres rythmes, d’autres outils, un univers différent du nôtre, mais finalement pas si éloignée de l’esprit d’un chantier.

Rapidement, Orianne et moi avons dû apprendre à mêler nos savoir-faire à ceux de l’équipe de tournage, à construire ensemble une autre forme de chantier : celui du film. Le scénario tenait lieu de plan d’ouvrage, et les réalisateurs, Ombeline et Nicos, en assumaient le rôle de maîtres d’œuvre. Florian, le cadreur, forgeait les images à l’aide de ses caméras et de ses drones. Irma, notre fixeuse, et Gia, son assistant, veillaient à la logistique et à la traduction, nourrissant chaque journée d’histoires du pays, tels de véritables ingénieurs de terrain. Et nous, tailleurs de pierre sur nos vélos, apportions notre regard, en dialogue avec celui des spécialistes rencontrés tout au long du voyage, pour relier le public à ce que la pierre tisse depuis toujours : des liens entre les Hommes.

Mi-juin, après cette expérience de terrain frénétique, le projet s’est poursuivi. Certains d’entre nous sont repartis en tournage, d’autres sur les chantiers, mais pour Ombeline et Marc-Antoine le monteur, le travail n’a pas cessé. À Paris, dans la cabine de montage, où ils passent de longues journées depuis le retour du tournage, les regards, les idées, les gestes et les sons s’assemblent. De cet assemblage patient et minutieux naît un film, alliance subtile de savoir-faire et de sensibilités.

Au-delà du tournage, ce film porte un message de fraternité, de confiance et d’espérance. Il célèbre la beauté qui naît du travail partagé, du dialogue entre les cultures, du respect du geste et du temps. Derrière les cinquante-cinq heures de rushs qui vont donner naissance à cinquante-deux minutes de film, se dessine un des résultats inattendu de notre aventure de cyclo-pierreux, lancée en 2022 : une œuvre collective, insoupçonnée, née de la rencontre de toutes ces personnes passionnées depuis le début qui permettent et qui ont construit cette aventure.

©Florian Launette

Laissez vos commentaires